Témoignage touchant d’un aidant proche
Voici une histoire vraie qui s’est passé en Belgique, mi-mars 2020.
Monsieur visite quotidiennement son épouse (83 ans), qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer et qui réside en maison de repos et de soins (MRS). A partir du confinement, il est interdit de visite.
Il demande s'il peut reprendre son épouse chez lui mais la MRS lui précise qu'il y aurait alors rupture de convention et impossibilité de la réintégrer après le confinement. Il renonce donc à cette solution.
Madame est dynamique et bouge beaucoup ; elle adore les petits gâteaux.
Monsieur n'a plus le droit de visite et son épouse n'a plus la capacité de lui répondre au téléphone. Il essaie d'obtenir de ses nouvelles, mais il est difficile d'avoir un soignant en ligne.
Il y a une semaine il se présente à la porte de la MRS avec deux petits gâteaux pour son épouse ; il est arrêté à la porte, on ne veut pas de lui, ni de la boîte de gâteaux.
Cela fait plus de 3 semaines qu'il n'a pas vu son épouse, qui très désorientée est enfermée dans sa chambre de quelques mètres carrés, en mesure de confinement, alors qu’elle n’a aucun symptôme.
Il s'inquiète pour elle, d'autant que le personnel lui dit qu'elle mange et bouge de moins en moins.
Il contacte l'ASBL Alzheimer Belgique, qui lui conseille de demander urgemment un rendez-vous télévisuel qui lui permettra au moins de voir son épouse, et d'essayer de rentrer en communication avec elle.
Quand il contacte la MRS, le personnel lui annonce que son épouse est très faible. Le médecin est appelé et préconise l'hospitalisation. Madame avait un peu de fièvre, elle ne toussait pas mais elle était très affaiblie et abattue.
A l'hôpital sont diagnostiqués une déshydratation et "un petit problème à un poumon ", suite à un scanner.
Madame est réhydratée et on lui donne de l'oxygène. Elle ne doit pas rester à l'hôpital et peut rentrer à la MRS, où on la mettra sous oxygène. L'infection au coronavirus n'est pas confirmée.
Monsieur n'a toujours pas revu son épouse. Il téléphone le lendemain matin et reçoit des nouvelles rassurantes : son épouse a bien dormi et elle va bien.
Une heure après la MRS le rappelle : son épouse est décédée pendant la toilette.
La nouvelle est terrible, après plus de trente ans de vie commune. Mais les conditions de ce décès le sont aussi : la MRS demande à Monsieur de ne pas venir chercher les affaires de Madame car "tout sera brûlé" ; Madame ne sera pas vêtue dans son cercueil.
Monsieur ne reverra pas son épouse, il a exceptionnellement pu rester 15 minutes en présence du cercueil fermé... Et il pense aux petits gâteaux (aux derniers) qu'elle n'a pas pu recevoir.
Pour la levée du corps, la bénédiction et la mise en colombarium, 15 personnes maximum peuvent être présentes, et 3 chansons sont prévues.
L'impression reste qu'elle a fini sa vie seule, et que c'est dans un grand dénuement que quelques proches tenteront de lui faire des adieux dignes cette semaine. Les questions persistent sur ce qu’il aurait fallu faire, si l’hospitalisation aurait dû être prolongée et si les visites tant désirées auraient adoucit la peine de tous.
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